Diébédo Francis Kéré : l’architecte en trois projets
L’architecte Burkinabé Diébédo Francis Kéré a été récemment récompensé par l’ultime distinction dans le domaine de l’architecture, le prix Pritzker. Voici trois projets qui prouvent qu’il le méritait amplement.
Avant de poursuivre cet article, nous vous conseillons si ce n’est pas déjà fait de lire notre portrait de l’architecte Diébédo Francis Kéré. Il vous aidera à mieux comprendre son parcours et les projets dont nous allons parler juste en-dessous. C’est fait ? Vous pouvez donc continuer à dérouler.
#1 – Une tour commémorative monacale en hommage à Thomas Sankara
Certes, ce bâtiment est encore en cours de réalisation à l’heure où nous écrivons ces lignes. Mais les images 3D de présentation du projet ont suffi à nous émoustiller.
Il s’agit du mémorial Thomas Sankara dédié à l’ancien président burkinabé – un homme politique révolutionnaire, socialiste et panafricaniste devenu « héros de la jeunesse africaine ».
S’étalant sur près de 10 000 m2, il est également impressionnant de par sa hauteur. Il mesure 87 mètres, un chiffre hommage qui n’est pas sans rappeler la date de l’assassinat de Thomas Sankara sur ce même site, en 1987.
En son centre, les visiteurs sont invités à gravir les étages un à un. L’ascension est volontairement épuisante – précisons qu’il existe un ascenseur pour les personnes à mobilité réduite. Elle symbolise en effet le combat et la révolution menée par l’ex-président.
« Avec cette idée, nous avons voulu que chacun, à partir du 87e étage, essaie de se demander quelle est sa contribution à cette Nation. Cela, afin d’amener la jeunesse à poursuivre le rêve de Sankara pour bâtir un Burkina nouveau », a détaillé Diébédo Francis Kéré lors d’une conférence de presse rapportée par Radars Info Burkina.
Le bâtiment se veut épuré, presque monacal, afin d’inviter au recueillement. Mais il reste pour autant un lieu de vie. La tour inclut en son centre des restaurants, ateliers, une bibliothèque, des boutiques et espaces de travail. L’architecte y a enfin incorporé un espace vert de promenade, tout au long duquel on peut découvrir l’histoire de la révolution de 1983. Il s’inscrit ainsi dans le projet global de verdissement de la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso.
Bonus : il paraîtrait que la vue sera vraiment très jolie d’en haut.
2 – Du bois parmi les bois : un projet écoresponsable au cœur de Yellowstone
Baptisé Xylem en référence au nom donné aux couches internes qui constituent un arbre, ce bâtiment abrite le centre artistique de Tippet Rise. Sa construction a été achevée en 2019 dans le parc national de Yellowstone, dans le Montana.
Diébédo Francis Kéré l’a imaginé comme « un refuge calme et protecteur« . Il s’inscrit parfaitement dans le paysage avec son armature en rondins de bois non traités. A noter que cette matière a été prélevée localement, de façon responsable. Ils proviennent, explique l’architecte, « d’un processus d’élagage naturel qui préserve les forêts des insectes parasites« .
Dans cet abri, une canopée en ondulations protège les visiteurs du soleil. Elle s’inspire directement du concept de tuguna. Car au Burkina Faso, ces espaces bien ventilés permettent de s’abriter de la chaleur.
Le projet est à ce titre également représentatif de l’importance accordée à la lumière par le lauréat du prix Pritzker. Dans tous ses projets, on retrouve des jeux de transparence, d’ombres et une façon bien singulière de laisser pénétrer les rayons soleil en douceur.
3 – Le centre de santé vu par Diébédo Francis Kéré
Comme nous vous le racontions dans son portrait, l’architecte met un point d’honneur à développer des projets utiles. Ce complexe illustre à lui seul cette ambition.
Il se compose d’un centre de santé, d’une clinique chirurgicale et de cinq habitations dédiées au personnel et aux bénévoles.
Situé à Léo, au Burkina Faso, il est aujourd’hui dirigé par une organisation à but non lucratif, Operieren in Africa. Sa mission : apporter l’assistance médicale nécessaire aux populations locales. Elle favorise également les échanges de compétences et expertises entre les spécialistes de la santé.
Outre le côté pratique, Diébédo Francis Kéré a aussi intégré – comme à son habitude – les contraintes spécifiques au lieu. Les bâtiments sont faits d’argile et de blocs de terre stabilisée comprimée. Grâce à un ingénieux système de double-parois, la structure est solidifiée et les intérieurs restent frais. Ils sont ouverts afin d’assurer une ventilation naturelle et un niveau suffisant de luminosité, mais un toit en tôle ondulée protège de la chaleur… et de la pluie. Parce qu’il est en pente, il permet de récupérer l’eau des précipitations, qui sert à irriguer la terre.
Parce qu’il ne laisse jamais rien au hasard, l’artiste a aussi implanté des nénuphars dans les bassins de drainage, qui « limitent l’évaporation, tandis que les poissons mangent les larves de moustiques et autres insectes vecteurs de maladies »…